jeudi 10 janvier 2013

10 janvier

Comme vous le voyez, j'ai eu du mal à tenir ce journal. Comme le temps a passé vite!
Il ne reste que quelques jours. Nous sommes passés de la recherche à la construction du spectacle juste après Noël. Rude changement de rythme! On passe de l'invention qui ouvre le travail et nos consciences à de la construction et à la difficulté de retrouver les belles inventions nées de l'impro.
Malgré tout, cela me passionne toujours autant!

A défaut de mot voici quelques photos... 

Coraline en sac


dessin de Line Marquis


le dessin disparaît...

New York

lundi 10 décembre 2012

10 décembre



Aujourd'hui tout le monde était là!!! L'équipe au grand...presque complet!!! 
C'est génial d'avoir soudain tout le monde alors que je suis presque seule dans ma petite tête avec ce projet depuis 1 an!!! Vive les gens!

jeudi 6 décembre 2012

6 décembre - journal

Bonjour à toutes et à tous!

Et pour commencer, merci infinifinifiniment pour vos précieux dons!!

Nous sommes à fond dans le travail, c'est pour cela que je ne commence le journal de travail qu'aujourd'hui...
Je suis très très heureuse de découvrir ou redécouvrir dans le travail Baptiste Coustenoble, Anne Delahaye, Coraline Clément (acteurs), Marie Probst (assistante) et Carine Corajoud (collaboratrice dramaturgie).
Et je suis très très heureuse de découvrir un plaisir fou pour moi d'embarquer des gens dans un projet à moi et qui m'est très personnel.

Dès lundi prochain, toute l'équipe sera là, Sylvie Kleiber et Lucie Gautrain pour la scéno, Line Marquis au dessin et Laurent Valdès à la vidéo. Des rencontres se font ou s'affirment et j'adore assister à cela. Nous faisons un vrai métier, fait de savoir faire et d'implication de soi mis au service du projet, et tout cela est aussi porté par un idéalisme, par un élan de résistance à un monde qui ne nous pousse ni à réfléchir ni à s'arrêter deux secondes pour se demander ce qu'on en pense.

C'est bien, c'est le début, j'ai l'enthousiasme lyrique!
On va l'entretenir jusqu'au bout pour résister aux alléas, aux doutes néfastes et... au P.W.H!

Je vous salue et à très vite!
Celine


vue du 6 décembre, de la salle de répétition du Théâtre de l'Usine, Genève

vendredi 9 novembre 2012

Nous avons besoin de votre soutien

Vous le savez sûrement, les subventions publiques et privées accordées à la culture font partie des premiers secteurs où les coupes budgétaires sont faites. Et cela tout particulièrement dans la création indépendante, et donc la relève.

Malgré cela, je peux dire que mon projet est bien soutenu et j'ai déjà complété 80% de mon budget. Au jour d'aujourd'hui, je ne suis pas en mesure de payer les retraites (LPP) de mes employés....et donc les allocs retraite de ceux qui y sont maintenant!!! En passant, je trouve profondément dramatique qu'on assume que des gens travaillant en intermittence toute leur vie (donc déjà d'une façon précaire), puissent se retrouver sans 2ème pilier au moment de leur retraite, et cela car un emploi de moins de trois mois n'est pas obligatoirement soumis à cette cotisation! Vivement que ça change!

Je sollicite donc votre soutien et vous propose par votre don de devenir mini-producteur de ce spectacle. De 5.- à 5000.-, d'une venue au spectacle avec 15 de vos amis ou d'un coup de fil à un-e ami-e journaliste qui parlerait du projet, tout soutien sera le bienvenu! Je vous remercie d'avance!!

Journal de création

Dès le 3 décembre, début des répétitions, nous tiendrons un journal de création.
Venez nous visiter régulièrement et recommandez-nous!!
Merci à tous de votre intérêt.

Bio de Yôko Ogawa

dessin de Line Marquis (brouillon)
Yôko Ogawa est née en 1962 au Japon. Elle est auteure de 36 romans, nouvelles et essais. Elle a remporté plusieurs prix prestigieux pour les romans « La Grossesse » et « La Désagrégation du papillon ».
Elle est influencée par les écrivains japonais classiques ou Haruki Murakami, son auteur japonais préféré, mais également par des auteurs américains tels que F.Scott Fitzgerald, Truman Capote et Raymond Carver. Elle a étudié la littérature anglo-américaine à l’Université de Tokyo et son professeur (traducteur de Paul Auster en japonais), lui fait connaître Paul Auster, dont le roman Moon Palace a eu une grande influence sur Ogawa. Elle est traduite dans environ 9 langues. 


Curriculum Vitae

Celine Bolomey (porteuse du projet/interprète) 

Après ma formation de comedienne à l’INSAS à Bruxelles (1994-97), j’ai joué dans une trentaine de spectacles ainsi que plusieurs films; principalement en Suisse, mais aussi en Belgique et en France (cf cv en annexe). Dans mon parcours, j’ai notamment fait des rencontre déterminantes avec le metteur en scène bulgare, Galin Stoev, avec qui j’ai travaillé pendant 8 ans (“Antigone”, “Tchékhologie”, “Oxygène” et “Genèse n°2” d’Ivan Viripaev- Paris, Avignon in 07, Montréal, Bruxelles, Moscou, Sofia, Genève...) et avec le réalisateur Vincent Pluss (“On dirait le Sud” - Prix du Cinéma Suisse et Grand Prix de Séoul 2003 et “Du Bruit dans la Tête”, pour lequel j’ai reçu le Quartz de la meilleure interprétation féminine en 2009). Ces expériences collectives m’ont révolutionée comme actrice. Elles m’ont permis de décentrer mon travail, et d’élaborer une conscience de la construction d’un spectacle. Et en 2008, j’ai participé à un spectacle avec le metteur en scène brésilien Enrique Diaz qui travaille à développer des méthodes d'improvisation. J’y ai découvert un vrai outil de construction par associations. C’est là que j’ai fait la rencontre de Coraline Clément, vraie partenaire de travail, avec qui je partage déjà un univers théâtral commun. J’interviens aussi sur son projet “Parce que c’était moi, parce que c’était lui”, en tant que regard extérieur. Je suis aussi intervenue à l'ecal lors d'un atelier de direction d'acteur et j'ai mis en scène avec Carine Corajoud le projet “Ma Mère Médée”, produit par la Comédie de Genève. 

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 Coraline Clément (interprète) 

Parallèlement à mes 10 ans de travail au sein du Théâtre de l'Escabeau (FR), je me forme au Conservatoire d'Orléans, au cours du soir à Chaillot, et participe à différents workshops sous la direction de Stéphane Braunschweig, Joseph Nadj et Ariane Mnouchkine. J'ai travaillé durant trois ans avec des compagnies de théâtre de rue et jeune public. En 2001, je quitte la France pour Bruxelles, et j'étudie à l'INSAS. Depuis 2005, j’ai travaillé avec Isabelle Pousseur, G.Theunissen, Vincent Sornaga, A.Fattier, Mariano Pensotti (Kunsten Festival 2006), et Anne Bisang (Comédie de Genève). Entre temps, je participe à l’Ecole des Maîtres orchestrée par Enrique Diaz. Suite à cette rencontre phare, je pars à New-York prolonger mon apprentissage de la méthode Viewpoints avec Anne Bogart. Je travaille depuis trois ans, à Berlin, avec Agathe Chion (assistante de C. Schlingensief) sur les spectacles « Hotel Hollywood » (http://www.youtube.com/watch?v=joUAv1Oeudw) et en ce moment, « Marry Me Harry! It ́s not about a Tea-Party, it ́s all about a Royal-Picnic» (http://www.youtube.com/user/FFtrilogie). Depuis 2009, je collabore au collectif De Facto (Bruxelles), dirigé par Antoine Laubin. 

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 Carine Corajoud (dramaturge) 

Née en 1975, diplômée de l’école de théâtre Serge Martin à Genève (1996), j'ai joué dans une quinzaine de pièces. J'obtiens ensuite une licence universitaire de Lettres, en 2004.
Depuis cette date, je travaille comme dramaturge sur les créations de Dorian Rossel, en adaptant notamment le manga Quartier lointain de Jirô Taniguchi, le film Soupçons de Jean- Xavier de Lestrade, La Tempête de Shakespeare pour le jeune public et L'Usage du monde
de Nicolas Bouvier. Je mets aussi en scène, en collaboration avec Celine Bolomey, en mars 2010, Ma mère Médée de Holger Schober, joué dans les classes de Heidelberg en Allemagne. Depuis 2012, je m'engage dans de nouvelles collaborations comme dramaturge avec Andrea Novicov et Celine Bolomey. Parallèlement à mes activités théâtrales, je prépare actuellement une thèse en histoire culturelle à l'Université de Lausanne. 

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Baptiste Coustenoble (interprète) 

Après avoir suivi une formation au cours Florent à Paris, Baptiste Coustenoble intègre la HETSR en 2006 où il suit l'enseignement de plusieurs artistes en exercice dont
notamment: Lilo Baur, Mathieu Bertholet, Jean-Claude Fall, Krystian Lupa, Philippe Macasdar André Markowicz, Andrea Novicov, Isabelle Pousseur, Pascal Rambert, Jean-Yves Ruf et Ingrid Von Wantoch Rekowski.

Depuis 2009, il travaille comme comédien avec plusieurs compagnies et metteurs en scène en Suisse romande et en France, dont la cie ad-apte, la fondation Arc-enscènes, Mufuthe et la cie du Chat Borgne.
En complément de son activité principale, il coach des séminaires en art oratoire à la HETSR depuis 2010. 


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Anne Delahaye (danseuse interprète) 

Née en 1975, je rejoins, après une formation en danse classique, le Conservatoire National Supérieur de Lyon, dont je sors diplômée en danse contemporaine. Je travaille entre autres avec Marco Berettini, la cie Alias, Philippe Saire, Paolo dos Santos, Sylvie Giron, Isabelle Schad. Depuis 2001, je collabore comme interprète et chorégraphe avec le plasticien Massimo Furlan dans la plupart de ses spectacles et performances. Ces dernières années j'ai travaillé également avec la Cie Nicole Seiler, Yan Duyvendak, le Club des Arts et fonde avec Nicolas Leresche la Cie de Genève. Nous avons créé deux spectacles, "Magica Melodia" (prix jeunes talents cirque) et "Le corps du Trou". 


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Sylvie Kleiber (scénographe) 

Architecte diplômée en 1991 de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), je m’intéresse à la scénographie d’exposition et à la scénographie de spectacle.
J'ai travaillé comme architecte-scénographe pour la construction ou la rénovation de plusieurs salles de spectacle. Côté spectacle, elle a longuement travaillé comme assistante du scénographe Jacques Gabel à Paris (sur des projets d’Alain Françon, de Joël Jouanneau, de Philippe van Kessel,...).

En Suisse, J'ai collaboré pendant dix ans avec Simone Audemars, réalisé des décors pour Robert Bouvier, Geneviève Pasquier, Andréa Novicov, compagnie un Air de rien, Denis Maillefer et Gilles Jobin. J'ai conçu les scénographies de projets de Yan Duyvendak et Alexandra Bachzetsis, de Philippe Saire ou Guillaume Béguin et collaboré avec la compagnie Sturmfrei de Maya Bösch pour Stations urbaines , Inferno et Drames de Princesses, la cie STT de Dorian Rossel pour Quartier lointain, avec Marc Liebens pour Médée et les théâtres de Marguerite Duras, la compagnie Mufuthe de Mathieu Bertholet pour ste Kümmerniss, Case Study House et l’Avenir, seulement. 

Tout récemment, j'ai collaboré avec Maya Bösch pour l’espace de son projet Hope, a statement on body, sound, space and time.
Je suis artiste associée pour les saisons 2010-2011 et 2011-2012 au GRÜ / théâtre du Grütli à Genève. Dans ce cadre, j'ai réalisé plusieurs projets d’espaces mobiles et une installation urbaine à Genève : combien de rêves dans 2 m2 ? 


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Line Marquis (dessinatrice) 

née en 1982, au Jura, baccalauréat en 2000, à Porrentruy.
2011 °
Born, exposition collective, Galerie C, Neuchâtel

° biénnale d'art des Libéllules, Genève
°
The harder they come, exposition collective, Galerie Duplex, Genève ° exposition personnelle, Galerie Davel 14, Cully
° exposition collective, Espace Ex-pea, Vevey
° exposition personnelle, Espace Artsenal , Delémont
° Accrochage Vaud, Palais de Rumine, Lausanne
° publication dans
Mode de vie, Ed. Art&Fiction, Lausanne

2010 ° Marcel Duchamps and the Forestay Waterfall , Galerie Davel 14, Cully 2009 ° obtension d'un Bachelor en Arts Visuels (peinture), Head, Genève
° exposition collective, Galerie Live in your head, Genève ° exposition personnelle, Galerie Synopsism, Lausannne ° Accrochage Vaud, Espace Arlaud, Lausanne
2008 ° exposition collective, Galerie La Locomotive, Chaux-de-Fonds ° exposition collective, Galerie Basta, Lausanne
° exposition collective d'étudiants de la Head
° exposition collective, Cité du Temps, Genève 2007-2010 ° participation à l'organisation de Aperti, Lausanne 

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Laurent Valdès (éclairagiste/vidéaste) 

Né en 1973 à Genève, j'obtiens un diplôme aux Beaux-Arts de Genève en 2000 en section cinéma, puis quelques années plus tard un Master en Arts Visuels à la HEAD. Le hasard des rencontres va m'amener à collaborer avec des chorégraphes locaux, par le biais de la vidéo puis pour des créations scénographique et d’éclairage. J'ai travaillé notamment avec Demain on change de nom, Quivala, Jozsef Trefeli et Rudi van der Merwe. Au théâtre, j'ai collaboré avec Andrea Novicov, Anne Bisang, Valentin Rossier et le Club des Arts. Parallèlement, je poursuis ma démarche personnelle en vidéo par des installations ou des performances, par exemple associées à des musiciens comme Marie Schwab, Patrcia Bosshard, Alexandre Babel, Dog Almond ou Andrès Garcia. En 2007, je crée pour la Fureur de Lire, Choses dont je me souviens.

En 2011, on a pu me voir au MAMCO, réaliser une performance dans le cadre d’un projet que je mène depuis 2009 avec le comédien Jean-Louis Johannides ou à la galerie Ex- Machina avec une exposition personnelle.
Mon dernier travail, Je refuse de répondre... a été présenté dans le cadre de la Fureur de Lire 2011- Fureur Noire. Il s’agissait d’un pièce pour un acteur, une bande son et un dispositif vidéo qui traitait de la censure pendant la période du McCarthysme.

L'Equipe


Interprétation:  Coraline Clément, Anne Delahaye, Baptiste Coustenoble, Celine Bolomey

Mise en scène:  Celine Bolomey, en collaboration avec l'équipe

Assistanat à la mise en scène:  Marie Probst
 
Collaboration dramaturgique:  Carine Corajoud 
 
Scénographie:  Sylvie Kleiber& Lucie Gautrain

Lumière/vidéo:  Laurent Valdès  

Dessin:  Line Marquis 
 

Administration:  Cie THE THREE MONKEYS





Je suis en réflexion avec le professeur François Ansermet, psychanalyste et chef du Service de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent, HUG, qui participera à une rencontre avec le public en fin de représentation, autour des questions que soulève le spectacle. Je désire également inviter l'auteure Yôko Ogawa pour cette rencontre. Les démarches sont en cours pour la faire venir et pour financer sa venue.

La Scénographie


L'espace scénique sera un espace complètement révélé, exposé, propre, contrôlable. Il sera composé de catelles blanches au sol, de néons descendus à mi-hauteur. Nous serons dans un espace privé mais qui reprendra des éléments évoquants tant le supermarché que l'hôpital (dans le texte, seuls lieux autres que l'appartement où ils vivent). 

La dimension d'espace privé sera représentée par une cuisine, un espace où il y aura durant toute la représentation, préparation de nourriture, l'idée étant qu'il y ait du quotidien sur le plateau, une répétition d'actions, des bruits, des sensations. Ce qui renvoie au journal intime.
La scénographie s'articulera sur le même mode que le texte.

Un être central qui est comme hors de ce qu'il vit. Un espace conscient et un espace inconscient.
Je veux partir d'un espace qui semble ne pas pouvoir évoluer, qui est déterminé. Nous utiliserons des panneaux de carton alvéolé pour recréer une boîte dans la boîte noire du théâtre. Sans être explicite, ce matériau pourra évoquer les tatamis et l'univers sobre des maisons japonaises. Peu à peu et en lien avec les articulations dramaturgiques, les matières organiques et la nourriture vont investir l'espace. Nous allons travailler avec de la vidéo, principalement en filmant en direct ce qui se passe sur le plateau, en jouant avec les perceptions en donnant d'autres échelles de grandeur aux personnages, à leur peau, leurs yeux, les aliments qu'ils préparent, qu'ils mangent, etc...
Par cela, nous ferons évoluer cet espace en laissant percevoir ce qui est caché, trouble derrière l'apparente netteté du lieu.


Nous travaillons avec Line Marquis, à l'élaboration d'une fresque dessinée à même le mur, filmée et qui sera révélée par flashs d'image et entièrement en fin de spectacle. L'idée est d'emmener l'intime, le circonscrit vers une dimension universelle et infinie. Ce sera donc une fresque abstraite qui donnera un sentiment d'ouverture, du caché vers le révélé, de la fiction vers la réalité.

Les modifications de l'espace seront effectuées par les acteurs, ainsi que la vidéo qui sera utilisée en direct sur le plateau. Nous travaillons donc avec Sylvie Kleiber (scénographe) et Laurent Valdès (vidéaste) dans l'idée d'avoir un décor simple à manier et qui propose aux acteurs de véritablement pouvoir jouer avec. Pour pouvoir élaborer un langage, tant visuel que corporel, en commun.

Les Matériaux La Dramaturgie


Je ne veux pas faire d'adaptation théâtrale, mais garder le texte tel quel, dans sa forme narrative. C'est un journal intime donc il s'exprime à partir d'un je, à soi, au monde. Pour tenter de comprendre les sentiments extrêmement ambivalents suscités par la conception d'un enfant, la narratrice s'attelle à écrire un compte rendu précis, et détaché de toute émotion. Il est donc important que le texte soit donné à entendre de manière très directe et simple, au public. Pour trouver le maximum d'intimité dans cette parole, j'envisage qu'il soit dit au micro.
Ogawa développe une «organicité des émotions». Elle décrit ce que mangent les personnages ainsi que le climat avec une force de sensation et d'évocation des émotions incroyable. C'est quelque chose de très présent et de très fort dans son écriture. Je veux donc m'appuyer sur cela pour développer un langage de sensations.
Le décalage que Yôko Ogawa crée entre ce que les personnages tentent de comprendre, d'intellectualiser et les émotions qu'ils tentent de vivre (transmises par les descriptions de tout ce qui est organique), évoque le sentiment de fragmentation entre corps et esprit que nous pouvons ressentir quand il y a dissension entre nos représentations et ce que l'on vit intimement. Ces écarts, ces décalages seront rendu, dans une recherche scénique, à partir de matières organiques (aliments, terre, glace) et de comment ces matières évoluent (détérioration, cuisson, odeurs...). Je développerai plus loin, dans la présentation de la scénographie.
Le texte sera notre axe central, notre ligne dramaturgique. Nous le mettrons en relation en développant avec les acteurs, une matière scénique construite à partir d'improvisations. L'important pour moi, est d'aller au-delà de ce texte. Il induit une violence certaine, la revendication d'une souffrance à soi. J'aimerais raconter une réappropriation de l'intime qui s'invente au-delà de la souffrance. Sur le mode d'un ludisme subversif. Comme des enfants qui jouent à la violence pour la discerner, pour pouvoir mieux s'en affranchir, avec une brutalité non éludée, mais aussi un réel élan de joie et d'humour.
Pour développer cela, nous travaillerons, à partir d'une matière théorique, d'auteurs qui analysent les représentations sociales et tentent de proposer des modes de pensée alternatifs (p.ex : M.Foucault, J.Butler, A.Davis), ainsi que l'univers des médias. L'idée étant de se laisser traverser intimement par ces écrits, de les amener à notre réalité quotidienne, et de développer un langage corporel qui soit une forme de réponse aux déterminismes sociaux, une forme de résistance poétique. Les corps comme laboratoire. Explorer les vertiges que peuvent susciter ces ambivalences, cette prise de conscience de nos conditionnements. Toujours dans l'idée de produire du sens au travers de sensations, j'aimerais raconter ces failles par une perception de temps déréalisé, comme dans un rêve. Je crois fortement à un certain mimétisme au théâtre. Comme spectatrice, il y a beaucoup de sens pour moi à voir les corps fonctionner, évoluer. Nous travaillerons avec Anne Delahaye (danseuse/interprète) à l'élaboration d'un langage corporel.
C'est donc dans ce travail de « re-création », de « ré-invention » de nos corps, que la dimension sensitive et émotive de ces questions pourra s'incarner et induire le fait que d'autres perspectives que celle décrite par Ogawa sont possibles. 


Il y aura un troisième matériau qui sera sonore (des témoignages, entretiens documentaires sur l'expérience de l'enfantement). Il interviendra de manière elliptique. Ce sera une parole subjective, réflexive, une tentative de comprendre ce qui a été vécu.
La part théorique pose la problématique, la part théâtrale la vit. La part documentaire navigue entre les deux.

Le Propos

OÙ LE SUJET TROUVE-T-IL SA PLACE ENTRE DéTERMINISME ET LIBERTé ? 

«Stop à la douleur!»
« Accoucher zen en 20 leçons ! »
«Comment retrouver son poids en deux mois !»
«Tout ce qu’il faut savoir sur les hémorragies au cours de la grossesse» «Plan de financement pour la naissance»
«Un couple uni peut-il traverser des turbulences pendant la grossesse?*
» 


L’évolution de la médecine qui gère le corps dans une efficacité technique et diagnostique sans faille et sans reproche; la contraception qui donne l'impression de pouvoir programmer le désir d'enfant; les diktats modernes de l’accomplissement personnel; tout cela concourt à l’idée d’un enfant parfait et à une construction de soi comme mère/parent parfait-e.
Il n’y a pas si longtemps, les femmes n’avaient pas d’autre choix que de vivre la maternité comme seule ambition, seul investissement narcissique. Le changement de paradigme sociétal a complètement bouleversé les rapports à soi, aux hommes et à la maternité. Dans ce contexte, les aspects subjectifs de la maternité se trouvent le plus souvent éludés, au profit d'un contrôle médical et symbolique absolu. Tout ce qui pourrait remettre en question ces stéréotypes est un réel tabou, faisant vaciller, entre autre l'idée que la maternité est au cœur du destin féminin. Ogawa transgresse ce tabou en mettant en danger l'injonction de
réalisation de soi par la grossesse. Nos représentations de la maternité, du couple, de l'accomplissement de soi, des rôles au sein de la famille en sont chamboulées et doivent être questionnées, reformulées. Elle force à assumer l'ambiguïté de ces projections de soi. Et c'est précisément dans l'acceptation de cette ambivalence qu'il y a résistance aux normes établies. 


LA FOLIE MATERNELLE

Les psychiatres et les psychanalystes parlent même parfois de «folie maternelle», pour parler des enjeux psychiques de la maternité. Cette folie serait «un état qui nous échappe, qui nous déborde, une audace d’émotions, d’affects, de comportements ou de paroles, qui n’acquiert jamais, en d’autres circonstances, une telle intensité.**»
La grossesse, ce temps limité par une échéance qui ouvre sur une vie nouvelle, n’est-elle pas paradoxalement, la meilleure représentation de la mort ? Le pouvoir de donner la vie réveille un sentiment de toute-puissance et à la fois, la future mère sait que tout ce processus ne tend que vers la séparation. Cette ambivalence provoque un vacillement des traits identitaires de la femme. Mais ce n’est qu’au travers de cette lutte entre le moi et le non-moi, l’amour et la haine, la vie et la «destructivité », que l’attachement et la relation à l’enfant va pouvoir s’instaurer.
Mon envie est d’utiliser la thématique de l’enfantement, en ce qu’il bouleverse et révèle en nous de désirs contradictoires, de violences, d'ambivalences, de remise en question de nos rôles sociaux. La maternité n'est pas le monopole de l'identité féminine, mais une question de société. 

Existe-t-il un instinct maternel ?
Pourquoi désire-t-on faire un enfant ?
Pour satisfaire un désir narcissique? Pour répondre à une attente sociale ?
Pour laisser quelque chose après ma mort ? Pour qu'il perpétue mes idéaux ?
Est-ce qu'on saura être de bons parents pour cet enfant ? Ne risque-t-on pas d’engendrer un monstre?
Ne vais-je pas perdre ma liberté ?
Que donne-t-on lorsqu’on met un enfant au monde? La vie ? La mort ?

Se pose-t-on vraiment ces questions ? 

Je désire partir d’une perspective très intime et qui touche à nos propres limites, pour créer un effet révélateur de la manière dont notre société «gère» l’individu, dans une perspective productiviste, le vivant étant devenu un enjeu du pouvoir. Parallèlement, j'introduirai une perspective plus sociale et analytique pour permettre de révéler des formes de résistance dans l'expérience ; comment les individus jouent de ces normes et s'inventent à partir d'elles. 

« Le problème à la fois politique, éthique, social et philosophique qui se pose à nous aujourd'hui n'est pas d'essayer de libérer l'individu de l'État et de ses institutions, mais de nous libérer, nous, de l'État et du type d'individualisation qui s'y rattache. Il nous faut promouvoir de nouvelles formes de subjectivité. » Michel Foucault***



* titres d’articles du magazine Neuf Mois, (2011), Paris : Bleu com Editions
**David, H. (2006), La Folie Maternelle Ordinaire, Paris : puf
***
Foucault, M. (1982), Le Sujet et le Pouvoir in Michel Foucault : Beyond Structuralism ans Hermeneutics, The University of Chicago Press

Le Texte



Je suis fascinée et bouleversée par l’écriture de Yôko Ogawa. Pour moi, cette auteure japonaise parvient à provoquer notre sens de la réalité, en la mettant à distance, en l'objectivant. Elle nous met en présence de personnages qui vivent de grands bouleversements (décès, rupture, grossesse), mais qui sont comme anesthésiés, séparés de leur propre existence. C’est une écriture en creux, qui fonctionne en miroir, mais sans jamais que l’image qui nous est renvoyée ne soit imposée. Elle a une force d'évocation, une amplitude d'écriture qui touche notre inconscient.
«La Grossesse»*, est le journal d’une gestation. La narratrice y consigne les moindres transformations physiques et psychiques de sa soeur enceinte. Avec une obsession des détails, du rapport à la nourriture et au climat, elle dissèque les émotions. En cassant l’idée qui voudrait que l’enfantement soit une chose purement joyeuse et à travers laquelle on doit se réaliser , elle questionne ce que donner la vie implique, allant jusqu’à faire fantasmer sa narratrice de détruire cet enfant pas encore né.
Cette écriture dérange, nous renvoie à nos propres perceptions, contient quelque chose de subversif. 

*Ogawa, Y. (1990), Actes Sud, 1997 

mardi 6 novembre 2012

Le Projet

photo Dorothée Thébert

Je vous présente ci-dessous le projet pour ma première création en tant que metteuse en scène, qui sera joué du 17 au 27 janvier, au Théâtre de l'Usine de Genève.

JE CROIS QUE MANGER SEULE ME CONVIENT est une tentative scénique de questionner l'imposition normative que les clichés sociaux véhiculent, et à quel point nous intégrons ces mêmes valeurs. Ce pouvoir qui s’exerce jusque dans nos sphères les plus intimes et notamment: le corps. Il est le lieu de ces représentations, le miroir de nos valeurs, de notre identité. Est-ce que ce n’est pas, paradoxalement, par le corps qu’on pourrait s’en affranchir, s'en émanciper? 
En se réappropriant cet intime, le corps peut devenir un lieu de liberté et de réinvention de nos valeurs. Faire de son corps-être la base et le lieu d'une pratique politique. 

Pour traiter ces problématiques, mon matériau de base sera le court roman «La Grossesse», de Yôko Ogawa. Je trouve dans son écriture, toute la substance de ces questionnements.
Dans ce texte, la narratrice consigne les moindres transformations physiques et psychiques de sa soeur enceinte. L'auteure y dissèque les émotions, remettant en question l'enfantement comme processus purement joyeux et d'accomplissement de soi; elle questionne ce que donner la vie implique. A travers cette perspective liée au corps, je désire créer un effet révélateur de la manière dont notre société « gère » l’individu dans une perspective productiviste, le vivant étant devenu un enjeu du pouvoir.

C'est la première fois que j'engage seule un projet de mise en scène. Ma nécessité vient, premièrement du fait que ces thématiques me touchent très personnellement et deuxièmement de ma rencontre avec une écriture. 

http://www.darksite.ch/theatreusine/saison.php?id_piece=322

Celine Bolomey