vendredi 9 novembre 2012

Le Texte



Je suis fascinée et bouleversée par l’écriture de Yôko Ogawa. Pour moi, cette auteure japonaise parvient à provoquer notre sens de la réalité, en la mettant à distance, en l'objectivant. Elle nous met en présence de personnages qui vivent de grands bouleversements (décès, rupture, grossesse), mais qui sont comme anesthésiés, séparés de leur propre existence. C’est une écriture en creux, qui fonctionne en miroir, mais sans jamais que l’image qui nous est renvoyée ne soit imposée. Elle a une force d'évocation, une amplitude d'écriture qui touche notre inconscient.
«La Grossesse»*, est le journal d’une gestation. La narratrice y consigne les moindres transformations physiques et psychiques de sa soeur enceinte. Avec une obsession des détails, du rapport à la nourriture et au climat, elle dissèque les émotions. En cassant l’idée qui voudrait que l’enfantement soit une chose purement joyeuse et à travers laquelle on doit se réaliser , elle questionne ce que donner la vie implique, allant jusqu’à faire fantasmer sa narratrice de détruire cet enfant pas encore né.
Cette écriture dérange, nous renvoie à nos propres perceptions, contient quelque chose de subversif. 

*Ogawa, Y. (1990), Actes Sud, 1997